3 août 2007

Mine de rien

Je l'ai vu le premier.

Le canari mort. Je l'avais même nommé. Gustave. Bon c'est pas si original mais c'est tout ce que j'avais dans le ventre ce jour-là.

Gustave est mort. Triste, oui, mais la mort de Gustave entraîne autre chose. La mort de l'endroit. Les gaz qui se répandent.

Faut sortir. Vite. Très vite. L'atmosphère s'empoisonne. Tous les gars se ruent sur l'ascenseur. Enfin, asceuseur, cette cage trop petite pour nous contenir nous tous. Faudra au moins quatre montées serrées - vraiment serrées - pour sortir tout le monde.

«Non allez-y, moi je tiens.»

Trois fois, la cage s'est remplie. Les gars attendaient, nerveux. Certains frôlant le délire . Sentaient plus leurs bras gauches, leurs genoux. Se plaignaient d'avoir passé une vie en vain à brouter la terre sous le pied du gazon.

Je les enviait, maladroitement. Ils fuyaient pour retourner vers quoi? La plupart s'étaient bâti une vie qui n'excluait pas la mine. Cette mine qu'ils quittaient maintenant, dans l'espoir d'y... revenir?

Pourquoi? Vraiment pourquoi?

Quand la cage est revenue, j'étais seul. J'avais réussi à faire passer tout le monde avant moi. «Je suis le plus vieux, allez-y.» M'ont tous pris au mot. Tous.

Même ceux qui n'étaient pas là me prirent au mot. Ceux pour qui je ne comptais plus. Ceux pour qui ma maigre pitance leur permettait de vivre un peu plus au soleil. Pas tellement, mais au moins parfois sous un soleil ardent, quand il ne se cachait pas, ce pauvre con, sous des couvertures nuageuses stériles.

La cage était devant moi. Ils étaient beaucoup trop haut pour que je les entende. Peut-être était-ce une bonne chose que je ne les entende pas. J'imaginais des «mais il est où le vieux?». Peut-être ne se posaient-ils pas la question. Sans doute que non, trop préoccupés à s'être sortis de là... jusqu'à la prochaine fois.

Il est au fond le vieux.

La cage s'est refermée. Son précieux bagage est remonté, ultimement, pour une dernière fois.

Ils étaient combien à saluer cet arrivage? Sais pas. J'imagine qu'ils ont été surpris. Une cage, unique. Avec un oiseau dedans, unique. Mort. Cet ailé qui, par manque d'air, aura sauvé tant de gens cette fois-ci.

Il m'aura sauvé aussi, en me laissant dans le sein de cette mine. D'ici, je ne troublerai plus personne. Je me demandais bien comment tout cela allait aboutir.

J'ai ma réponse. Un fond de cage est ma réponse. C'est pas triste. Bon, c'est pas SI triste. J'ai jamais rien contrôlé de ma sainte vie, je pourrai contrôler au moins cela. Ici, impossible de faire mal à qui que ce soit. Mais surtout, impossible d'avoir mal. On ne me mettra plus dans la face des trucs inaccessibles. Ou pire, des trucs dont je suis incapable.

Et je suis incapable de tant.

Les sirènes qui hurlent m'accompagnent, alors que de mon pas lent mais décidé, je m'enfonce plus avant dans un tunnel dont je faisais ma fierté.

Ma fierté gît à 2172 mètres sous le sol. C'est quand même un chiffre imposant. Essayez, vous verrez!

Non? Trop tard pour me dire que j'ai tort. Trop tard pour tout en fait, mais il était pas assez tôt pour tout ça!

Si c'était pas de cette nausée, l'instant serait quand même intéressant.

Si c'était pas de cette nausée.

Si c'était pas de c....

Si c'ét....

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