C'est assez intéressant la manière dont la mémoire fonctionne. Elle est bien sélective, comme me le rappelle constamment notre belle héritière à sa maman et moi, qui aime bien à l'occasion choisir ses souvenirs en fonction de son besoin immédiat. Je ne peux lui en vouloir, on fait tous ça.
Bref, la mémoire joue de jolis tours parfois. Comme il y a cinq minutes, je me remémorais un vieux dessin que j'avais soumis à un prof au primaire, tsé le prof, chose-là. Le thème du travail était: dessinez votre métier. Rempli de virilité, j'avais griffonné un gars barbu qui vendait des fleurs à l'extérieur d'un centre d'achats. On devine tout de suite que j'avais de grosses ambitions.
Mais je me rappelle surtout les raisons de ce choix. «Bin, je vais travailler à l'extérieur l'été, il fait beau. Quand les gens vont magasiner, habituellement ils sont un peu excités, dans l'expectative de se faire plaisir (j'ai pas utilisé le mot expectative quand même), et des fleurs c'est cool, ça sent bon et ça fait plaisir.»
Cette envie folle de boulot m'a passé au bout de 20 minutes. Tout de suite après je voulais être chimiste, océanographe, archéologue et escorte masculin de luxe. Genre.
Maintenant, je pianote sur mon clavier dans une tour à bureaux de 52 étages, dans une entreprise qui est passée lentement de «amicale baba assez cool merci, un peu trop même» à «la grosse bureaucratie sale, ou ça prend une permission spéciale et une requête en bonne et due forme pour aller tirer une pisse ou faire changer une virgule dans un texte mal chié au départ.»
C'est jamais facile pour personne de se motiver le matin, pour plein de raisons. C'est jamais facile de se lever du lit, pour plein de raison.
Mais dernièrement, j'ai jamais tant eu envie d'aller vendre des fleurs dans le stationnement d'un centre d'achats. Y'a le soleil. Les odeurs de fleurs. Et pas trop de cons inutiles. Au pire, on les retourne d'un bon coup de pieds. Du bois mort, les fleuristes en vendent pas me semble.
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