26 février 2014

L'entre-deux, ou la chronique qui ne verra pas le jour


«Sotchi, c'est fini, et dire que c´était la ville de mon premier amour» comme chantait Hervé Vilard dans une autre vie. Enfin, c'était pas tout à fait cela mais bon, tout cela pour dire que c'est enfin terminé les fils d'actualité sur Facebook remplis de tous ces hashtags avec les mots CANADA, GOGOGO et KEEPBIEBER. 

On s'en sort pas, notre ménestrel canadien est toujours au centre de quelque chose, cette fois il aura eu l'illustre honneur d'être l'objet du deuxième plus populaire sondage sur le site de la Maison-Blanche, sondage qui exige son expulsion vers notre contrée couverte de neige et d'or. Ceci dit, j'aimerais bien pelleter de l'or le matin en sortant de chez moi, mais là on sort du sujet.

Bref, nous voici donc dans une période d'entre-deux, ou ce que les commerçants appellent «entre la Saint-Valentin et Pâques». Mes amis journalistes sportifs ont encore la sueur de leur dur labeur qui perle sur leurs fronts moites que déjà, ils songent aux Jeux de Rio dans deux ans. Ensuite, on sera de nouveau dans l'entre-deux des Jeux qui «se feront dérouler en Chine, dans la région de la Corée» comme nous annonçait l'ineffable Patrice Lemieux.

C'est comme ça, on est toujours entre deux trucs. Entre deux repas, entre deux blondes, entre deux chums, entre deux saisons, entre deux périodes (ce Carey Price quand même hein, ça sent la Coupe, kekchose), entre deux métro, entre deux rendez-vous, entre deux fêtes commerciales (après Pâques, il y aura la Fête des mères, des pères, de la Saint-Jean, du déménagement, du Nunavut, du ménisque gauche, du trampoline – oui c'est masculin -, du travail, de la béchamel et j'en passe). Pour rester dans l'olympisme, l'entre-deux devrait être une discipline sportive acceptée. Vingt-quatre athlètes qui attendent, qui flanchera? Ça ne peut pas être pire que le biathlon...

L'entre-deux est ingrat. On se situe entre quelque chose qui s'est passé, et cet autre qu'on attend. Pensez à ce pauvre Mercredi. Qui aime les mercredis? Pas tout à fait la fin de semaine, pas tout à fait le début de semaine... Dans le party de la semaine, c'est lui qui est seul au-dessus du bol à punch et qui attend que quelqu'un lui parle.

C'est juste moi qui ai cette impression qu'on court toujours après la suite comme ça? Vous êtes toujours en attente de quelque chose vous aussi ou vous prenez le temps d'apprécier le «maintenant»? Même si c'est mercredi (mettons), que l'hiver en finit pas de finir et que vos chocolats ne sont pas encore achetés?

(Répondez pas là, la question était pas pour vous ôtres.  Vous ôtres vous êtes beaux.)


6 juin 2013

Je suis un auteur du dimanche (à défaut d'être endimanché)

On m'a récemment demandé de participer à ceci, et c'est avec empressement et beaucoup de décalage horaire que je me suis exécuté.  On dira que ça se sent, avec raison.  J'ai malgré tout eu beaucoup de plaisir à lire ceci devant une foule conquise en rut.  Quelque chose comme ça.  Il fallait rédiger 1000 mots sur un thème choisi, l'asphalte dans ce cas-ci.  Voici le texte:  

Il était exactement 17h55 (à Reykjavik, Islande) jeudi dernier quand, naïf, reposé et à la veille d'entreprendre mon inévitable retour en sol montréalais, j'ai eu cette brillante idée d'ouvrir ma page Facebook, assis confortablement au bar de l'auberge où nous étions installés. 

«Yo Bonhomme!», m'écrivait Olivier Bruel, en guise d'introduction à un message personnel court qui allait droit au but.  Je vous épargne le reste de ce texte dont la conséquence directe est ma présence ici ce soir.  Clairement, ce sombre individu ne comprend pas le message quand on s'en éloigne de 3749 kilomètres.

« Ce sera sur le thème de l'asphalte »,  me prévient-il.  Ça a la qualité de ne pas être banal comme sujet, mais disons que l'inspiration ne m'a pas frappé de plein fouet.  Toutefois, une demi-pinte de houblon islandais consommée somme toute assez rapidement a cette faculté de nous rendre intéressé à tout et de nous inspirer pour tous les sujets imaginables. 

Le reste de cette demi-pinte et environ cinq heures de tournées de bières et de shooters plus tard, je ne me rappelais plus vraiment qui était cet Olivier Bruel, ou à quoi pouvait bien servir de l'asphalte. 

Le lendemain matin, qui n'était pas techniquement le lendemain, c'est avec un mal de tête, un haut le coeur, les contrecoups d'un décalage horaire en devenir et deux trop longs vols pour un gars pris du vertige que j'ai entrepris le dur labeur d'essayer de définir ma relation avec l'asphalte.  Du même coup, j'en suis venu à tenter de définir ma relation avec Olivier Bruel et ma dépendance aux réseaux sociaux mais 1000 mots étant nettement insuffisants, je me suis ressaisi. 

À l'image de l'étudiant moderne pour qui tourner les pages d'un dictionnaire s'avère être un geste vulgaire et moyenâgeux, je me suis tourné vers Wikipédia pour approfondir ma notion de ce matériau auquel je n'avais vraiment jamais réfléchi avant, sinon pour trouver des mots nouveaux pour le maudire à chaque printemps venu. 

On peut donc y lire, guillemets « l’asphalte désigne un mélange de bitume et de granulats. C'est un matériau « fermé » ne comportant PAS ou PEU de vide. », fin des guillemets. Clairement, monsieur Wikipédia ne réside pas à Montréal.

« Ne comportant pas ou peu de vide ».  Voilà qui était peu rassurant à lire alors que je me trouvais à quelque 40 000 pieds d'altitude en me demandant quel cartel de la construction peu scrupuleux était responsable de la piste qui allait ralentir et, accessoirement, arrêter le mastodonte de 130 tonnes, long de 155 pieds, se déplaçant à une vitesse de 858 kilomètres heure dans lequel je me trouvais.

Asphalte. Ce mot exagérément sous-utilisé dans mon vocabulaire jusqu'à la veille de mon retour était en train de transformer ma vie - qui s'annonçait soudainement rapidement et douloureusement écourtée - en enfer.  La sélection de films médiocres, un repas qui ferait saliver d'envie les patients de n'importe quel hôpital ainsi que le mini-bar hors de prix à bord du Boeing n'ont absolument rien fait pour me changer les idées. 

Je me suis souvent moqué avec beaucoup de condescendance des gens qui applaudissent lorsqu'un pilote réussit à poser son engin.  Ces passagers ne savent rien, aveuglés par leur bonheur d'être enfin parvenus à destination.  Moi c'est l'asphalte que j'applaudissais à tout rompre une fois les moteurs éteints.

Je comprenais enfin tous ces papes modernes qui, à chacune de leur première visite dans un pays quelconque, s'agenouillent pour donner au bitume chaud l'amour qu'ils ont juré de ne donner à aucune femme.

Remis de mes émotions, je rentrais enfin chez moi en défiant avec peu d'autres automobilistes les rues, ruelles et boulevards en ce début de nuit montréalaise.  Cette nappe de pétrole transformée qui me faisait craindre le pire quelques longues minutes auparavant me ramenait maintenant chez moi, auprès des miens.   Soudainement, je voyais le verre à moitié plein.

Installé dans mon salon pour écrire ceci, la tête encore plus décalée que d'habitude et les idées toujours quelque part dans une grosse île au nord de l'Atlantique, j'observais par la fenêtre de la pièce la rue Ste-Dominique s'étendant droit devant moi et dont la fin mal définie se perd derrière  voitures, cyclistes, piétons et – fort heureusement – beaucoup de feuillage.  

C'est à ce moment que je me suis dit que le problème premier de l'asphalte n'est pas sa piètre qualité, sa texture les jours d'été chaud, son odeur ou son aspect dur et stérile.  Non, son principal problème et que quoi que l'on fasse, si l'on se trouve dessus, on sait presque toujours exactement où il nous mènera, ou du moins jusqu'où il peut nous mener.  Ça peut être rassurant par moment, mais encore faut-il savoir mettre le pied sur autre chose et partir, oser un peu le chemin qui ne mène vraiment nulle part.  

À peine revenu, j'ai déjà hâte de repartir, quelque part là où la rue Ste-Dominique semble se terminer, là où l'asphalte est encore personna non grata.  Et cette fois, ce sera sans applaudissements, c'est promis.

15 novembre 2011

Philémonpédia: Le gaz de schiste

L'équipe complète de Philémonpédia – l’encyclopédie vivante des choses que vous devez savoir – s'est rendue ce soir au lancement du livre «Le scandale du gaz de schiste» pour vous.  Et accessoirement pour saluer ses deux amis auteurs de la chose.

Gaz de schiste, vous savez ce que c'est?  Évidemment que NON.  Si vous saviez tout, l'utilité de Philémonpédia (marque déposée) serait... euh... inutile.  Bref, m'a te montrer c'est quoi ça, le gaz de schiste.

Premièrement, mettons les choses au clair.  Quand l'homme de votre vie -ou cette blind date frisée qui tente l'entre-jambe de la dame – se permet un «gaz de schiste» pré-amoureux dans la voiture, avec l'effet que l'on pense (genre: sors de la voiture mon maudit porc), bin c'est pas ça.

Par contre, le même quidam qui officie un rappel olfactif de son souper libanais sur une route de campagne olfactivement menacée par a) un épandage de fumier ou b) un épandage des coffrets DVD de Virginie pourrait s'en tirer relativement indemne.

Tout ce long et pénible préambule n'explique absolument rien des gaz de schiste, mais au moins on a eu du plaisir.

Donc le gaz machin c'est quoi?  Grosso modo, le sous-sol provincial sur lequel vous caressez vos fonds de chaussure est rempli de gaz, qu'un type méchant, vilain et laid – un Américain mettons – veut prendre, profiter de et vous emplir les narines de ses reflux financiers.  En gros, c'est ça.  Le monde est pas content, le monde aime pas ça.   Le monde aime sentir ses propres effluves, pas celles des autres.

Et les preuves contre sont considérablement accablantes.  Mais la question se pose: on ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre, le bébé et l'eau du bain.  Richesse naturelle?  Oui.  Belle idée.  Mais tsé, si ma tante se meure d'un cancer généralisé, son salon en or pur, son mobilier dernier cri et son écran HD de 5458 pouces, bin, «ça prend quelqu'un pour le regarder hein».

Bref, le gaz de schiste c'est ça.   C'est un peu un cancer avoué tout de go qu'on garnotte dans nos richesses naturelles, qu'on extirpe ensuite, qu'on vend ailleurs en se disant qu'on vient de faire la "piasse" et que finalement, bin... bin... Bin s'il y a un problème, on espère que ceux qui en ont profité auront une oreille attentive.  Je crois que non.



Je suis venu te dire que je m'en vais

Être à son compte entraîne beaucoup d'avantages... et quelques désavantages.  Se lever à l'heure normale - soit 11h37 - est un avantage.  Faire l'épicerie au marché Jean-Talon à un moment fort opportun - genre le mercredi 15h57 - en est un autre. 

Être pigiste est bien agréable, mais certains plaisirs de la vie m'échappent.  Comme par exemple écrire un courriel de départ de vacances.  Pour le plaisir, le mien surtout, voici ce que j'écrivais il n'y a pas si longtemps.  C'était hier, quoi.  Rappelez-vous.  Nous étions jeunes, beaux, fermes.  Quelque chose comme ça. 

Exemple 1: 
Le rarement cité Arnold Bennett a dit un jour «Rien de tel que des vacances ratées pour vous réconcilier avec une vie de labeur».  Je suis donc parti tester cet adage. Je serai de retour lundi le 23 novembre, armé de joie, de plénitude et - accessoirement - d'un lunch.
   
Exemple 2: 
Eugène Ionesco a dit «seul l'éphémère dure».  Mais bon, il a également dit «Il y a des appartements où les meubles poussent mal» alors vous en faites ce que vous voulez. Et en parlant d'éphémère, ces deux semaines de vacances dont je profite pendant que vous travaillez passeront beaucoup trop rapidement.   Je serai de retour lundi le 17 août. Le Seigneur vous le rendra au centuple, mais n'oubliez pas de rendre le change.

Exemple 3:
Bonjour! / Hello!  / Ni hao! / Buenos Dias! / hyvää päivää! / konnichi wa!
Eh oui, c'est congé!  Enfin pas pour vous, mais pour moi certainement.  Mais allez, ce n'est pas parce que je me lève à l'heure où vous dînerez qu'il faut m'en vouloir pour autant. Je serai de retour dans un état contemplatif lundi le 20 avril.  D'ici là, soyez sage, mangez fruits et légumes et reculez-vous un peu en regardant la télé, votre mère vous l'a dit que vous allez finir avec des lunettes.