7 mars 2008

Quand on pense qu'on l'a pas facile...

En cette semaine de relâche, l'héritière et moi fréquentons le FIFEM. Malheur sur nous, entre deux projections de films, nous avons du temps à perdre. Nous partageons un repas entre amis, mais reste 45 minutes avant la projection du prochain film. La gentille dame du cinéma Beaubien nous indique que le film de l'après-midi est «sauldoute» et qu'on ferait bien de se mettre en ligne pendant.. 45 minutes. Non merci, nous convenons qu'il est mieux de s'asseoir dans les marches pour voir ce foutu film que de poireauter en ligne, et on se dirige derechef vers la très sympathique librairie a deux pas.

Mademoiselle séduit illico le proprio de l'endroit, lui indiquant ses préférences littéraires et se faisant de facto proposer quelques titres, dont un Agatha Christie qui la fait saliver. La sachant entre bonnes mains, papa s'éclipse un peu et va fouiller en territoire connu. Ah ouais, un Michel Tournier que j'ai pas lu, 7$, vendu! Rendus à la caisse, une biographie me fait de l'oeil. Ma vie-en vrac, de Marcel Gotlib. ZE bédéiste qui a changé ma vie. J'achète.

On revient à la maison, tout le monde dort paisiblement et je commence la lecture. Moi qui m'attendais a du pur plaisir dénué de malice, me voici dans l'histoire de Marcel Gottlieb (notez le double T) et de son père Ervin, alors que l'armée allemande occupe Paris. Et ça me frappe comme un 12 roues dans une pente à 90 degrés sans freins: Marcel Gotlib est juif.

Citation

«J'avais huit ans et je ne savais pas que j'étais juif moi-même. À l'école, les copains ne parlaient que de ces pourris de youpins (...) Un beau jour, quand ma mère m'a cousu l'étoile jaune, l'étoile de shérif comme disait Gainsbourg, j'ai réalisé que je faisais partie des salauds de pourris de youpins en question. (...)»

«Les raffles se multiplient partout en France au cours du mois de juillet 1942. (...) Mon père venait de partir au boulot, mais le concierge leur a dit 'Tenez, messieurs, un peu plus vous le ratiez: c'est lui là-bas au coin de la rue, vous pouvez le rattraper.' »

(...)

«Donc je réfléchis très fort, je me dis que ce concierge, ce jour-là, a été le roi des cons, ou le roi des salauds, ou, ce qui n'est pas exclu, le roi des antisémites.»

L'enfant avait huit ans.

Adieu lecture légère.

3 commentaires:

Yvan a dit...

Gotlib m'a aussi marqué dans l'enfance.Un classique indémodable à mon avis.Une constance dans la qualité tout à fait irréprochable.
Surprenant qu'un grand maître de l'humour BD puisse sublimer ainsi sa souffrance dans son oeuvre, pour notre plus grand plaisir.

Une vie en contraste de sa légèreté hallucinée?

Encre a dit...

Oui. Le port de l'étoile, ça a dû être épouvantable.

Ton histoire d'amour avec Gotlib, tu l'as déjà racontée quelque part sur le blog?

Anonyme a dit...

Il y a eu pire que le port de l'étoile, n'est-ce pas ?