Grand dada naïf que je suis, je pense toujours que les gens me voient comme ce sympathique beau bonhomme affable, courtois et pas mesquin pour un sou. Jusqu'à ce que mon collègue monsieur Seb me garnotte une offrande digne des Dieux sur mon clavier. «Quin, ça te tente tu un destroy?» Évidemment, mon intégrité de critiqueux en a pris un coup. Comment ose-t-il? Moi qui n'ai pas entendu une seule note de l'album, et on m'impose tout de suite un angle. Je l'ai regardé dans le blanc des yeux. (Ensuite je l'ai regardé vraiment dans les yeux parce que le blanc, on oublie pas, c'est à côté de la caméra hein, you-ou tu me regardes quand je te parle, Tancrède?). Bon bref, armé de mon regard, mon intégrité et une autre affaire dont le terme exact m'échappe, je lui ai asséné un splendide «Oh oui!».
Voici donc en primeur, pendant que les autres attendent, ce que j'ai pensé du premier album de Jacques Villeneuve, Private Paradise. Les opinions énoncées plus bas n'engagent que vous.
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Jacques Villeneuve
Private Paradise
Certains exploits sont réalisés à force de courage et de ténacité. D’autres, au prix d’efforts soutenus et de sacrifices. Ainsi, mon lecteur cd ne m’adresse plus la parole depuis ce matin. Simple bouderie? L’avenir le dira. De plus, je vis maintenant avec ce sentiment oppressant d’avoir subi l’extraction violente de mon lobe temporal droit. Mais j’ai persisté. Malgré les heurts, la route cahoteuse. J’ai gravi l’Everest, j’ai fait fi des trompettes de Jéricho et je suis allé au bout de la chose : traverser les 13 plages de la première galette de Jacques Villeneuve. Rassurez-vous, je parle du neveu. S’agira-t-il de son dernier? Mes lampions brûlent déjà.
En fait, s’il veut pondre quatorze albums à l’année, c’est son droit et son privilège les plus stricts. Se produisant lui-même, l’artiste - ou dans ce cas-ci Villeneuve - n’est redevable à personne. Par contre, il aurait pu se la jouer discrète en se lovant par exemple sur Myspace, là où des internautes avides de découvertes auraient eu le plaisir de s’oindre la trompe d’Eustache de ses douces mélopées. Nenni. Le neveu Villeneuve s’offre la totale : la tournée médiatique, le lancement, hop! On peut donc en parler sans malaise.
En fait non, il y en a un malaise : le vide abyssal qui «habite» Private Paradise. Le monégasque l’a avoué bien candidement : cet album était fait pour le plaisir, le sien de toute évidence. Où sont les textes, les mélodies, le rythme, l’enveloppe musicale? Et je passe sous silence l’aspect vocal de la chose; ça tombe bien, le timbre de voix de Villeneuve rappelle le silence mal assumé. Même un traitement royal à la ProTools n’aurait pu venir à bout de ce filigrane sonore.
Affaire de famille, Private Paradise réunit le frère et sa sœur Mélanie l’instant d’une pièce - Father - dédiée à ce célèbre père qui fut arraché des siens sur la piste de Zolder (Belgique) en 1982. On aurait aimé apprécier ne serait-ce que le texte. Déception, celui-ci est d’une navrante banalité qui laisserait desséché le plus généreux globe oculaire en ville. La sœur Jessica n’est pas en reste, elle qui vient ajouter une couche supplémentaire d’absence vocale sur l’avant-dernier morceau, Étrangers. Un exemple parfait de dichotomie musicale, alors que le duo nous offre un des plus mauvais agencement rythmique et vocal entendu depuis… beaucoup!
Lumière au bout du tunnel, la pièce finale Mother Earth nous donne une petite idée de ce qu’aurait pu être l’album s’il n’avait pas été conçu à la va-vite avec un minimum d’inspiration. Enfin une pièce rythmée, une mélodie intéressante qui tourne rapidement au ver d’oreille. On dirait même que Villeneuve prend plaisir à chanter - il était grand temps! Close, but no cigars, comme on dit à Monaco.
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Cette critique est dédiée à Pierre-Alexandre Birtz, collègue émérite qui a façonné l'homme que je suis aujourd'hui.
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